MONDE
« 230 milliards d'euros pour la construction d'un pont reliant l’Europe et l’Afrique d’ici 2030 »
Un pont entre les continents, un rêve à 230 milliards d’euros. D’ici 2030, l’Europe et l’Afrique pourraient être reliées par un pont monumental, symbole d’union et de coopération. Si le projet reste à l’état de vision, son ambition soulève déjà des espoirs, des débats et de nombreuses interrogations.
La structure, qui inclurait également 1 000 plateformes flottantes de secours, serait achevée à l’horizon 2030, pour un coût estimé à 230 milliards d’euros. Ce mégaprojet continental n’en est qu’à ses balbutiements. Entre études de faisabilité, recherche de financements, débats publics et impératifs écologiques, le chemin reste long avant que ne jaillisse le béton ou l’acier entre deux rives.
Pourtant, dans un monde où les distances se réduisent à mesure que les crises s’intensifient, relier l’Afrique et l’Europe par un pont — autrement qu’à travers le prisme migratoire — pourrait devenir un levier de coopération historique. En ce mois d’avril 2025, il est encore permis de rêver, tout en gardant les pieds fermement ancrés sur les terres (et les eaux) à relier.
L’idée d’un lien fixe entre l’Afrique et l’Europe ne date pas d’hier. Dès la fin du XIXᵉ siècle, des ingénieurs européens comme Jean-Baptiste Berlier imaginaient un tunnel reliant Tarifa à Tanger. Le concept fut repris tout au long du XXᵉ siècle, mais les contraintes techniques, sismiques et politiques freinèrent toute tentative.
Aujourd’hui, la résurgence de ces projets, portée par les nouvelles capacités de forage sous-marin et un contexte international en quête de coopération Sud-Nord, relance l’intérêt.
Le tunnel sous-marin du détroit de Gibraltar, récemment réactivé par les gouvernements espagnol et marocain, prévoit une galerie ferroviaire de 42 km, dont 27,8 km sous la mer.
Selon les premières modélisations techniques, ce serait le plus profond tunnel sous-marin du monde, atteignant 500 mètres de profondeur par endroits. Une étude de faisabilité est en cours, menée par la société allemande Herrenknecht, chargée des évaluations techniques, avec une livraison théorique envisagée autour de 2040.
Un pont entre Tunisie et Sicile : le projet Jean Monnet
Parallèlement au tunnel, une initiative distincte et tout aussi spectaculaire se dessine : le pont Jean Monnet, qui relierait la Tunisie à la Sicile sur plus de 140 km. Porté par le « Centre pour la beauté politique », une ONG autrichienne, ce projet se positionne comme une réponse humanitaire et politique aux flux migratoires souvent meurtriers en Méditerranée centrale.
Les concepteurs mettent en avant une vision utopique : faire du pont un symbole de fraternité, un outil de lutte contre les réseaux de passeurs, et une alternative légale et sécurisée à l’exode par embarcations précaires. Mais les interrogations sont nombreuses, tant sur la faisabilité technique que sur l’impact environnemental et les implications diplomatiques.
« L’Europe reste une destination prisée par de nombreux Tunisiens en quête d’un emploi », a-t-on appris.
Les réalités géopolitiques et logistiques
Qu’il s’agisse du tunnel ou du pont, ces projets nécessitent une coordination interétatique sans précédent. L’Union européenne, bien qu’invitée à financer, reste encore prudente, tandis que le Maroc et l’Espagne poursuivent leurs efforts bilatéraux. Les défis logistiques sont nombreux : profondeur marine, sismicité, circulation maritime dense, protection des écosystèmes.
S’ajoute une dimension politique forte : relier l’Afrique à l’Europe, ce n’est pas seulement construire une infrastructure, c’est aussi reconfigurer les représentations géographiques, économiques et symboliques des deux continents. Ce lien physique interroge la gestion des frontières, la mobilité des personnes, mais aussi la souveraineté des territoires traversés.
L’attrait touristique d’un axe intercontinental
Au-delà des considérations politiques, un tel ouvrage représenterait un atout touristique considérable. On imagine déjà des trains panoramiques traversant les flots, ou un pont suspendu attirant curieux et voyageurs. Comme le tunnel sous la Manche l’a fait pour l’Angleterre et la France, une liaison Afrique-Europe pourrait devenir une porte d’entrée stratégique pour les flux touristiques, économiques et culturels.
Tanger, Gibraltar, Palerme ou Sfax verraient leur statut évoluer en véritables hubs intercontinentaux, mêlant hébergements modernes, circuits patrimoniaux et infrastructures de transport multimodales. L’essor d’un tel projet pourrait redessiner la carte du tourisme eurafricain, en connectant directement deux mondes trop souvent séparés par l’histoire et la géographie.
Gloire MALUMBA.K