POLITIQUE
Affaire Matata Ponyo : la Haute Cour recadre Vital Kamerhe en invoquant l'article 107 de la Constitution
Alors que le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, a sollicité la levée des immunités de Matata Ponyo, la Cour constitutionnelle oppose une fin de non-recevoir. Dans une correspondance officielle, elle rappelle que l’article 107 de la Constitution ne s’applique qu’à la phase d’instruction, or l’ancien Premier ministre est déjà jugé. Une mise au point qui recadre le débat juridique autour de l’affaire Bukanga-Lonzo.
L’affaire Matata Ponyo continue de connaître de nouveaux rebondissements. Dans une correspondance rendue publique ce samedi 3 mai, la Cour constitutionnelle a rappelé les dispositions de l'article 107, alinéa 2, de la Constitution. Celui-ci stipule qu'aucun parlementaire ne peut, en cours de session, être poursuivi ou arrêté sans l'autorisation préalable de l’Assemblée nationale ou du Sénat, sauf en cas de flagrant délit.
Cette mise au point intervient après une correspondance du président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, adressée à la Haute Cour. Il y sollicitait la levée des immunités parlementaires de l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo, poursuivi dans le dossier Bukanga-Lonzo, dans lequel il est soupçonné de détournement de fonds publics.
Signée par Dieudonné Kamuleta Badibanga, président de la Cour constitutionnelle et du Conseil supérieur de la magistrature, la réponse clarifie la portée juridique de l'article 107. Elle souligne que cette disposition ne concerne que la phase d’instruction judiciaire, et non celle du jugement.
En effet, cet article accorde une protection aux parlementaires durant les sessions parlementaires, les mettant à l’abri de poursuites ou d’arrestations sans autorisation préalable de leur chambre d’origine. Ce mécanisme vise à préserver l’indépendance du pouvoir législatif face à d’éventuelles pressions de l’exécutif ou du judiciaire.
Cependant, la Cour insiste sur une distinction essentielle : cette immunité s’applique uniquement à la phase préjuridictionnelle, c’est-à-dire avant la saisine d’une juridiction de jugement. Or, Matata Ponyo a déjà comparu à plusieurs reprises devant la Cour constitutionnelle depuis 2022, ce qui marque l’avancement du dossier au stade du jugement.
La correspondance précise également que, dans le contexte pénal, le terme « poursuites » renvoie à la phase d’instruction. Ainsi, l’article 107 ne trouve plus à s’appliquer une fois que la juridiction de jugement est saisie, comme c’est désormais le cas dans l’affaire Matata Ponyo.
« Dès lors, une question juridique se pose : comment une juridiction de jugement pourrait-elle exiger une autorisation de l’organe de poursuite pour une formalité, en l’occurrence celle prévue par l'article 107, qui relève exclusivement de la phase d'instruction ? », peut-on lire dans la correspondance.
Il est utile de rappeler que le dossier est pendant devant la Cour constitutionnelle depuis 2022. L’intéressé y a comparu à plusieurs reprises, en personne ou par le biais de ses avocats. Lors de l’audience du 14 avril 2025, Matata Ponyo a soulevé plusieurs exceptions, que la Cour a décidé de joindre au fond. Et selon le principe juridique en vigueur, le juge ne peut répondre à une question de droit que par une décision judiciaire, en l’occurrence un arrêt.
La Cour, ayant pris l’affaire en délibéré, devra donc se prononcer sur l’ensemble des questions de procédure et de fond, y compris celles évoquées dans la correspondance du président de l’Assemblée nationale. « En tant que président de la Cour, précise Dieudonné Kamuleta Badibanga, il ne m’appartient pas de me prononcer sur ce sujet tant que la juridiction ne s’est pas officiellement déterminée. »
Enfin, il rappelle que l’article 151 de la Constitution garantit l’indépendance des juridictions, qui doivent statuer sans subir d’interférences ni de pressions extérieures.
Gloire MALUMBA.K