DIPLOMATIE
Amnesty International déplore l’absence de justice dans l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda
Malgré la signature d’un accord de paix entre la RDC et le Rwanda, Amnesty International alerte sur l’absence de mécanismes judiciaires pour sanctionner les crimes commis dans l’Est du pays, dénonçant une impunité persistante qui compromet les chances de paix durable.
Amnesty International a exprimé, mardi 1ᵉʳ juillet, sa vive préoccupation quant à l’absence de mécanismes judiciaires dans l’accord de paix signé le 27 juin à Washington entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. Pour l’organisation de défense des droits humains, cet accord constitue une occasion manquée de s’attaquer aux causes profondes du conflit dans l’Est congolais.
« En ne s’attaquant pas à l’impunité pour les crimes atroces commis dans l’est de la RDC, cet accord a manqué l’occasion de traiter l’un des moteurs historiques du conflit », a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International.
Une impunité persistante malgré la paix affichée
L’absence de dispositions judiciaires dans le texte signé par Kinshasa et Kigali suscite d’autant plus d’inquiétude que les affrontements se poursuivent sur le terrain. Amnesty International alerte sur la poursuite des violences, notamment dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, où les civils continuent de subir enlèvements, exactions et déplacements forcés.
L’ONG affirme avoir documenté récemment de nouveaux combats entre les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), soutenus par le Rwanda selon plusieurs sources onusiennes, et les groupes d’autodéfense Wazalendo, appuyés par l’armée congolaise. Ces affrontements auraient entraîné la mort de civils ainsi que des disparitions ciblées, notamment de jeunes hommes dont le sort reste inconnu.
Le M23 en marge du processus
Ce constat d’inaction judiciaire intervient alors que le M23, actuellement engagé dans des discussions parallèles sous médiation qatarie, a indiqué ne pas se reconnaître dans l’accord conclu à Washington. Une déclaration qui affaiblit davantage un processus de paix déjà fragilisé par l’absence d’inclusivité et de consensus.
Depuis la résurgence du M23 en novembre 2021, la région connaît une recrudescence des violences. La prise successive de Goma, en janvier 2025, puis de Bukavu le mois suivant, a provoqué d’importants déplacements de populations. Des organisations comme l’ONU et Human Rights Watch ont recensé dans les zones contrôlées par le groupe rebelle des cas d’exécutions extrajudiciaires, de détentions arbitraires et d’abus graves contre les civils.
Une responsabilité partagée
Amnesty International appelle les autorités congolaises et rwandaises à exercer leur influence sur les groupes armés qui leur sont proches afin de faire respecter le droit international humanitaire. L’organisation insiste sur la nécessité d’une réponse judiciaire forte et cohérente pour rompre le cycle d’impunité.
« La RDC et le Rwanda ont une responsabilité morale et politique envers les populations de l’Est. L’impunité n’est plus tolérable », martèle Amnesty.
La justice, grande absente des accords de paix
Près de vingt-cinq ans après les premiers accords visant à pacifier la région des Grands Lacs, la justice demeure marginalisée dans les processus de règlement des conflits. Pour de nombreux observateurs, cette carence mine la crédibilité des initiatives diplomatiques successives.
« La justice transitionnelle est systématiquement éludée, alors qu’elle devrait constituer le socle de toute paix durable », soulignent plusieurs experts en résolution des conflits.
Dans les semaines à venir, Kinshasa et Kigali seront attendus au tournant. Face à la pression internationale, ils devront démontrer leur volonté d’ancrer durablement la paix dans le respect de l’État de droit.
Gloire MALUMBA.K