SÉCURITÉ
Crise de financement : l’ONU alerte sur l’impossibilité d’enquêter sur d’éventuels crimes de guerre en RDC
La mission du Conseil des droits de l’homme, chargée de documenter les violations graves dans l’Est du pays, reste paralysée par une crise de financement, malgré des indices préoccupants évoquant de possibles crimes de guerre.
Dans une correspondance datée du lundi 23 juin, consultée par Reuters, la mission d’enquête du Conseil des droits de l’homme des Nations unies tire la sonnette d’alarme sur les incertitudes budgétaires qui entravent l’exécution de son mandat, portant sur les violations présumées des droits humains et les crimes de guerre en République démocratique du Congo (RDC).
Le cœur du problème, selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), réside dans une grave crise de trésorerie provoquée par le non-paiement partiel des contributions de certains États membres, aggravée par les coupes drastiques dans l’aide extérieure opérées par les États-Unis sous l’administration Trump.
Dans l’annexe de cette lettre, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Volker Türk, rappelle qu’une session spéciale du Conseil, tenue en février à Genève, avait acté la mise en place d’une mission d’établissement des faits et d’une commission d’enquête pour documenter les violations dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, notamment à Goma et à Bukavu, après leur occupation par les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda.
Mais plus de six mois après cette décision, la Commission d’enquête ne peut toujours pas entamer ses travaux, « faute de financement disponible », alerte Volker Türk.
Il met en garde contre des contraintes financières et humaines qui « entravent gravement » le travail d’enquête, tout en exprimant sa vive préoccupation quant à l’impact des réductions budgétaires sur les dispositifs de protection des droits humains. Les contributions volontaires au bureau de Türk auraient chuté de 60 millions de dollars cette année.
Lors d’une réunion informelle avec les membres du Conseil, lundi, Alex El Jundi, chef de l’Unité de soutien aux enquêtes du HCDH, a jugé la situation « regrettable », au regard des premières constatations, faisant état d’exécutions sommaires, de violences sexuelles extrêmes et d’autres abus graves. Plusieurs de ces actes pourraient constituer des crimes de guerre, a-t-il souligné.
Les Commissions d’enquête (COI) sont habilitées à produire des éléments de preuve pouvant être exploités dans le cadre de procédures judiciaires, notamment par la Cour pénale internationale (CPI). Mais selon El Jundi, les réserves du bureau sont désormais épuisées, après une dotation exceptionnelle de 1,1 million de dollars en fonds réguliers pour lancer la mission initiale. Aucun crédit n’est disponible à ce jour pour engager les travaux de la COI, dont le budget prévisionnel s’élève à 3,9 millions de dollars.
Le HCDH a néanmoins affirmé qu’il déploierait tous les efforts nécessaires afin d’obtenir un financement régulier d’ici à 2026, en vue du lancement effectif de la Commission.
Le 7 février dernier, au terme de sa 37ᵉ session extraordinaire, le Conseil des droits de l’homme avait adopté, par consensus, une résolution instaurant une mission d’établissement des faits ainsi qu’une commission d’enquête indépendante sur les violations graves commises dans l’est de la RDC.
Ce texte fait suite à une recrudescence des violences dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Il exige que le Mouvement du 23 mars (M23) cesse immédiatement ses hostilités et se retire des territoires qu’il occupe. Il appelle également la Force de défense rwandaise à mettre fin à tout appui au M23 et à se retirer « sans délai » du sol congolais.
Gloire MALUMBA.K