POLITIQUE
Interdiction de diffusion des activités de Joseph Kabila : Human Rights Watch exprime ses inquiétudes et craint le chaos dans le pays
Human Rights Watch exprime de vives inquiétudes suite à l'interdiction de couverture médiatique des activités de Joseph Kabila, imposée par le CSAC pour 90 jours. L'ONG dénonce une atteinte à la liberté de la presse et redoute un accroissement des tensions dans un contexte politique déjà instable en République Démocratique du Congo.
L’ONG Human Rights Watch (HRW) a exprimé, mercredi 11 juin, sa préoccupation face à la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) d’interdire, pour une durée de quatre-vingt-dix jours, toute couverture médiatique des activités de l’ancien président Joseph Kabila et de son parti, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD).
Dans un communiqué, l’organisation de défense des droits humains estime que cette mesure constitue une atteinte grave à la liberté de la presse et au droit à l’information. Elle rappelle que les journalistes doivent pouvoir couvrir librement le retour sur la scène publique de l’ancien chef de l’État, et que les Congolais ont le droit de débattre du rôle politique de celui qui a dirigé le pays pendant près de deux décennies.
« Interdire toute couverture médiatique autour de Joseph Kabila pourrait paradoxalement accroître l’attention dont il fait l’objet », souligne HRW.
Selon l’ONG, cette décision marque un tournant : alors que les autorités congolaises toléraient autrefois, dans une certaine mesure, les critiques publiques, les restrictions à la liberté d’expression se sont nettement intensifiées ces derniers mois. Le retour de Joseph Kabila, après deux ans d’absence, intervient dans un contexte sécuritaire et politique particulièrement tendu.
L’ancien président a récemment effectué une visite remarquée dans l’est du pays, région en proie à des affrontements armés, notamment avec la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda. À Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, il mène depuis fin mai des consultations politiques. Quelques jours auparavant, il avait publié un discours sur YouTube dans lequel il critiquait ouvertement la gouvernance de son successeur, Félix Tshisekedi, et avançait des pistes pour un retour à la paix.
Joseph Kabila, arrivé au pouvoir en 2001 après l’assassinat de son père Laurent-Désiré Kabila, a dirigé la RDC pendant dix-huit ans. Son bilan, entaché de violations des droits humains, reste controversé. Alors que son second et dernier mandat constitutionnel s’achevait en 2016, il s’était maintenu au pouvoir au-delà des délais légaux, suscitant une vive répression de l’opposition et de la société civile.
Depuis son départ de la présidence en 2019, il siège au Sénat en tant que sénateur à vie. Mais en mai, cette immunité parlementaire a été levée dans le cadre d’une enquête pour trahison, liée à un soutien présumé aux rebelles du M23 – une décision qui pourrait déboucher sur des poursuites judiciaires.
La RDC traverse aujourd’hui une crise sécuritaire majeure. Le M23 contrôle plusieurs zones stratégiques autour de Goma et Bukavu, et est accusé de multiples exactions contre les civils. Kinshasa, en réponse, a apporté un soutien militaire et financier à une coalition de milices locales, au risque de se rendre complice de nouveaux crimes de guerre.
Dans ce climat de tension, les atteintes à la liberté de la presse se multiplient. Depuis la recrudescence des combats fin 2024, le gouvernement congolais accentue la pression sur les médias : des journalistes internationaux ont vu leur accréditation retirée pour avoir évoqué les « prétendues avancées des terroristes », selon la terminologie officielle. Les autorités mettent désormais en garde contre toute diffusion d’informations concernant le M23 ou les forces rwandaises, menaçant de poursuites judiciaires pouvant aller jusqu’à la peine capitale.
Gloire MALUMBA.K