POLITIQUE
Lambert Mende à Joseph Kabila : « J’ai la pénible impression d’avoir été littéralement entubé pendant des années »
Dans une lettre au vitriol adressée à Joseph Kabila, Lambert Mende, ancien ministre et fidèle compagnon de l’ex-président, brise le silence. Il dénonce le retour de son ancien mentor par Goma, ville sous tension, et fustige l’omission du rôle du Rwanda dans la tragédie congolaise. Entre désillusion, trahison ressentie et avertissement politique, Mende livre une charge frontale contre ce qu’il perçoit comme un reniement des luttes communes.
Dans une lettre au ton particulièrement incisif adressée à l’ancien président Joseph Kabila, Lambert Mende, ex-ministre de la Communication et proche collaborateur de ce dernier, exprime sa profonde déception face à la récente communication de son ancien mentor, qu’il accuse de passer sous silence les véritables responsables des malheurs de la République démocratique du Congo depuis 1996.
Réagissant au discours prononcé par Joseph Kabila le 23 mai dernier, lors de son retour au pays via Goma (Nord-Kivu), Mende affirme avoir été plongé dans une « nausée métaphysique » à l’écoute de ses propos. Il fustige notamment l’omission, selon lui délibérée, du rôle du Rwanda et de son président Paul Kagame dans la déstabilisation de la RDC.
« Votre communication qui met sous le boisseau le principal acteur de la dévastation de notre pays depuis 1996 m’a plongé dans une sorte de nausée métaphysique. J’ai la pénible impression d’avoir été littéralement ‘entubé’ pendant des années », écrit-il sans détour.
Des propos ambigus et une démarche critiquée
Dans sa lettre, Lambert Mende affirme avoir accueilli avec des « sentiments mitigés » le retour de Joseph Kabila par Goma, ville actuellement sous occupation militaire étrangère selon lui. Il critique le choix de cet itinéraire qu’il juge incompatible avec l’objectif affiché de reconstruction de l’unité nationale, évoqué dans le discours de l’ancien président.
« Certes, la nécessité mise en exergue dans votre communication et rappelée avec insistance par des cadres de votre formation politique, le PPRD de reconstruire l’unité nationale est légitime et louable. Mais beaucoup de vos compatriotes s’interrogent sur l’itinéraire singulier que vous avez choisi, qui semble en contradiction avec cet objectif. »
Mende, qui fut un acteur clé du régime Kabila pendant plus d’une décennie, conteste également l’idée que la dégradation actuelle de la RDC serait uniquement imputable au président Félix Tshisekedi.
« Il ne suffit pas que le président Tshisekedi quitte le pouvoir pour que ce pays renoue avec la prospérité. Une telle assertion évacue un faisceau substantiel de causes historiques, notamment le pillage systématique des ressources du pays sur fond de déstabilisation orchestrée par le Rwanda, à travers les différents régimes qui se sont succédé, y compris le vôtre. »
Le silence sur Kagame, une trahison ?
Ce que Lambert Mende semble le moins digérer, c’est le silence de Joseph Kabila à l’égard de Paul Kagame, pourtant régulièrement désigné par l’ex-ministre comme l’un des principaux architectes de l’instabilité dans l’Est de la RDC.
« La non-concordance entre certains passages de votre discours du 23 mai et la voie que vous empruntez me donne la chair de poule. Elle contraste avec l’axiome cher à votre père, Mzee Laurent-Désiré Kabila : ‘ce qui est dit doit être fait’. »
Se disant meurtri d’avoir défendu avec ardeur les positions de l’ancien président y compris au prix de sanctions internationales Mende exprime un sentiment de trahison face à ce qu’il perçoit comme une connivence tacite avec l’ennemi.
« Votre silence sur Paul Kagame, qui incarne depuis près de trois décennies ces pirates des temps modernes, jette le trouble. Vous mettez de l’eau au moulin de l’agresseur, dont les phalanges impliquées dans l’odieux assassinat de Mzee L.-D. Kabila écument encore aujourd’hui des pans entiers du territoire national. »
En conclusion, Lambert Mende affirme ne pas vouloir juger la décision de Joseph Kabila de revenir par Goma, mais se dit en droit, en tant qu’ancien compagnon de route, d’exprimer son malaise devant ce qu’il considère comme un abandon des principes défendus ensemble.
Gloire MALUMBA.K